CHAPITRE HUIT

 

 

Si Robert de Gloucester ne s’était pas laissé prendre au piège et capturer dans les eaux de la Test, et si, dans sa fuite éperdue vers Gloucester avec les restes de ses forces, l’impératrice n’était pas passée par Ludgershall et Devizes, on aurait mis bien plus de temps à retrouver Adam Heriet. Mais l’arrêt momentané des hostilités, où chacun des deux souverains tenait l’autre en échec, avait libéré plus d’un homme d’armes que l’inaction ennuyait. Aussi profitaient-ils de l’occasion pour se dégourdir un peu les jambes et aller se distraire ailleurs, pendant que la trêve durait et que les politiciens discutaient âprement. Parmi eux, il y avait un soldat blanchi sous le harnais, expert au maniement de l’arc et de l’épée, enrôlé sous la bannière du comte de Worchester.

Pour sa part, Hugh venait lui-même du nord du comté, du côté des marches galloises, et les manoirs du Nord-Est, qui devenaient plus rares dans la plaine du Cheshire, lui étaient moins familiers. Dans la région plus riante qui entourait Hadnet, la terre était riche, bien cultivée et les champs de blé, après le glanage, regorgeaient de bétail satisfait dont le regain de cette saison sèche remplissait la panse, et dont les excréments serviraient à fertiliser le sol pour les labours de l’année prochaine. Il y avait çà et là des tenanciers de l’abbaye dans la région et aussi des moutons qu’on avait lâchés dans les champs maintenant que la moisson était terminée. En piétinant la terre et en la fumant, ils s’avéraient presque aussi précieux que par leurs toisons.

Le manoir de Harpecote se situait au beau milieu de la plaine avec quelques bosquets du côté exposé au vent et une crête peu élevée de terre communale au sud. La maison, construite en bois, était petite, mais des vastes champs s’étendaient et les granges, les étables, qui s’appuyaient au mur de clôture, étaient bien entretenues et probablement pleines. L’intendant de Cruce sortit dans la cour pour accueillir le shérif flanqué de ses deux sergents, et les conduire à la ferme d’Edric Heriet.

C’était l’une des plus importantes chaumières du hameau avec un petit potager sur le devant et un verger derrière. Là une jeune fille aux cheveux en bataille, les jupes relevées, accrochait la lessive sur la haie. Des poules couraient sur l’herbe et une chèvre à l’attache broutait. Cet Edric était, paraît-il, un homme libre, qui cultivait ses champs en payant un loyer à son seigneur, situation de plus en plus rare dans cette région où les cultivateurs étaient, en général, liés à la terre par une série de services coutumiers. Les Heriet devaient être bons laboureurs et travailler dur puisqu’ils continuaient à posséder le sol qui les nourrissait. Des familles de ce genre ne dédaignaient pas l’aide des cadets, car elles avaient besoin de tous les travailleurs qu’elles pouvaient rassembler. Manifestement Adam passait pour une brebis galeuse, lui qui avait décidé de s’engager pour de l’argent et de cultiver non pas la terre mais ses talents pour les armes, la chasse et l’abattage des arbres.

Un grand gaillard aux cheveux filasse ébouriffés, vêtu d’une veste de cuir qui avait connu des jours meilleurs, sortit en courbant l’échiné de l’étable basse à l’instant où Hugh et ses hommes s’arrêtaient au portail. Il les fixa, tendu, et s’immobilisa devant eux, sans se compromettre, reconnaissant l’incarnation de la loi, mais sans savoir à qui il avait affaire.

— Vous cherchez quelque chose, messeigneurs ?

Poli, mais pas servile, il les observait attentivement et se planta devant son entrée, ouvertement sur ses gardes.

Hugh lui souhaita le bonjour avec l’amabilité qu’il destinait particulièrement aux pauvres diables que l’autorité mettait mal à l’aise et qui n’étaient que trop conscients de leur position d’infériorité.

— Vous êtes Edric Heriet, paraît-il. Nous cherchons des renseignements nous permettant de retrouver un autre Heriet, Adam. C’est votre oncle, à ce que je crois. Il paraît aussi que vous êtes la seule famille qui lui reste. Peut-être pourriez-vous nous dire où le trouver. C’est tout ce que nous vous demandons, mon ami.

Ce grand jeune homme, qui n’avait sûrement pas plus de trente ans, était probablement le mari de l’accorte jeune femme décoiffée du verger et le père du bébé qui hurlait quelque part dans la cabane. Il se dandina, dubitatif, d’un pied sur l’autre, se décida enfin et fit face, son visage s’éclairant peu à peu.

— Je suis Edric Heriet, en effet. Qu’est-ce que vous lui voulez, à mon oncle ? Qu’est-ce qu’il a fait de mal ?

Hugh apprécia assez cette attitude. Les deux hommes ne s’entendaient peut-être pas très bien, mais celui-là n’avait aucune intention de les aider avant de savoir de quel côté soufflait le vent. Son poil se hérissait dès qu’on s’en prenait à sa famille.

— Rien de spécial, à ma connaissance. Mais nous avons besoin de lui pour nous dire ce qu’il sait sur une affaire à laquelle il a été mêlé il y a quelques années, quand son seigneur à Lai l’a envoyé en mission. J’ai appris qu’il était au service du comte de Worchester depuis lors, ce qui explique peut-être pourquoi on a peine à le retrouver, vu les circonstances. Si vous avez eu de ses nouvelles, ou si vous pouviez nous dire de quel côté nous diriger, nous vous en serions reconnaissants.

La curiosité de l’homme était éveillée à présent, mais il ne savait toujours pas sur quel pied danser.

— Je n’ai qu’un oncle, et il s’appelle Adam. Il servait en effet à Lai et j’ai entendu mon père dire qu’il s’était enrôlé sous la bannière du suzerain de son seigneur, mais je n’ai aucune idée de qui il s’agit. Maintenant, si je me souviens bien, il n’est jamais revenu dans les parages. Tout ce que je me rappelle de lui date de mon enfance, quand je chassais les oiseaux des labours. Ils ne se sont jamais bien entendus, mon père et lui. Désolé, monsieur, de ne pas vous être plus utile.

Sans doute n’était-il pas si désolé que ça mais il disait manifestement la vérité.

— J’ignore tout de l’endroit où il vit et de ce qu’il a fabriqué durant ces années, conclut-il.

Hugh accepta cette affirmation – le moyen de faire autrement ? – et réfléchit un moment.

— Il n’y avait que deux frères ? C’est tout ? Pas de sœur ? Aucun lien susceptible de le rattacher au comté ?

— J’ai bien une tante, une seule. On n’a jamais été une grande famille. Mon père se donnait un mal de chien à travailler la terre en attendant qu’on grandisse, mes deux cadets et moi. Maintenant, à nous tous, on s’en sort plutôt bien. Tante Elfrid était la plus jeune des trois, elle a épousé un tonnelier, un bon à rien de Normand, un petit bonhomme tout brun, de Brigge ; Walter, il s’appelle.

Il releva la tête, sans se rendre compte de sa bévue envers le petit seigneur normand aux cheveux sombres, sur son gris pommelé à la silhouette osseuse. Le sourire éclatant de Hugh le déconcerta.

— Ils sont installés à Brigge. Elle a des gamins, je crois ; elle pourra peut-être vous renseigner. Ils étaient plus proches.

— Personne d’autre ?

— Non, monsieur, c’est tout. Je crois qu’il était le parrain du premier, ajouta-t-il hésitant, mais avec moins d’agressivité. Peut-être qu’il prend ça à cœur.

— C’est possible, reconnut Hugh, pensant à son propre héritier, dont Cadfael était le parrain. Oui, c’est très possible. Merci beaucoup, mon ami. On va aller s’enquérir là-bas.

Il tourna sans hâte le nez de son cheval vers le chemin du retour.

— Bonne moisson à vous ! s’exclama-t-il pardessus son épaule avec un sourire, et d’un claquement de langue il mit sa monture au galop, suivi de ses deux sergents.

 

Walter le tonnelier tenait boutique sur l’une des collines de la cité de Brigge, dans une ruelle étroite à un jet de pierre de l’ombre projetée par les murs du château. Son échoppe était une espèce de grotte qui s’enfonçait assez loin et donnait sur une cour dégagée et bien éclairée. On respirait une saine odeur de bois coupé qui s’entassait près des tonneaux terminés ou à demi terminés, des seaux et des barriques ainsi que du matériel et des outils nécessaires au travail. De l’autre côté du mur bas, le sol descendait par des terrasses en pente raide, couvertes d’herbes jusqu’aux méandres de la Severn, presque exactement comme à Shrewsbury. L’eau longeait la partie basse de la ville, et s’étalait calmement, peu profonde en cette saison, avec des bancs de sable affleurant à sa surface, mais prête à se réveiller et à devenir mauvaise si des pluies soudaines se mettaient à tomber.

Hugh laissa ses sergents dans la ruelle, descendit de cheval, traversa la boutique obscure et pénétra dans la cour au fond. Un garçon de dix-sept ans, avec des taches de rousseur, était penché sur sa varlope, très affairé à biseauter des douves pour tonneaux ; un autre, d’un ou deux ans plus jeune, taillait attentivement de longues lanières de saule pour attacher les douves quand le tonneau serait fixé dans le cadre servant à le maintenir en place. Un troisième garçon enfin, d’une dizaine d’années peut-être, balayait énergiquement des copeaux qu’il fourrait dans un sac pour allumer le feu. Apparemment Walter ne manquait pas d’assistants dans son négoce. Vu leur ressemblance, il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre qu’ils étaient issus du même père, ce petit bonhomme brun plein d’allant qui se redressa et quitta son banc d’âne, un couteau à la main.

— Que puis-je pour vous, monsieur ?

— Maître tonnelier, je cherche un certain Adam Heriet qui serait, paraît-il, le frère de votre épouse. A la ferme de son neveu, à Harpecote, on ignore tout de lui, mais ils pensent que vous pourriez avoir de ses nouvelles. Vos renseignements me rendraient grand service.

Il y eut soudain un profond silence. Walter, le dévisageant d’un air grave, bougea très lentement la main qui tenait une plane à lame courbe pour l’accrocher à sa ceinture cependant qu’il réfléchissait. L’adresse manuelle lui était naturelle, mais réfléchir lui prenait un certain temps. Les trois garçons restèrent eux aussi muets, le regard aussi fixe que celui de leur père. L’aîné, songea Hugh, devait être le filleul d’Adam, si Edric ne s’était pas trompé.

— C’est que je ne vous connais pas, monsieur, répondit enfin Walter. Qu’est-ce que vous lui voulez, au parent de ma femme ?

— Je me présente donc, Walter, déclara Hugh, très à l’aise. Je m’appelle Hugh Beringar, je suis shérif de ce comté, et je voudrais interroger Adam Heriet sur une affaire qui remonte maintenant à trois ans. Je gage qu’il sera à même de nous aider à y voir plus clair. Si vous pouvez vous arranger pour que je le rencontre, vous lui rendriez service autant qu’à moi.

Même un citoyen respectueux de la loi pourrait émettre des réserves sur ce point mais ce même citoyen respectueux de la loi, avec femme et enfants à nourrir, y regarderait à deux fois avant de raconter des histoires au shérif. Walter n’était pas fou. Il remua les pieds dans la sciure et les petits copeaux qui avaient échappé au balai de son fils.

— C’est que, monsieur, commença-t-il avec toutes les apparences de la candeur et de la bonne volonté, Adam est parti aux armées, mais maintenant on dirait que ça s’est à peu près calmé dans le Sud, ce qui le laisse libre de se reposer pendant quelques jours. Il semble bien que vous arriviez à point nommé, monsieur, car en ce moment il se trouve qu’il est chez nous.

L’aîné avait commencé à s’esquiver en douce vers la porte, mais son père l’attrapa discrètement par la manche et lui adressa un regard rapide qui le cloua sur place.

— Ce garçon est le filleul d’Adam dont il porte le nom, dit candidement Walter, le poussant en avant de la main qui l’avait retenu. Emmène le seigneur shérif à la maison, mon petit. J’enfile ma veste et je vous suis.

Ce n’était pas ce qu’avait espéré le jeune Adam mais, soit qu’il craignît son père ou qu’il se fiât à sa sagesse, il s’exécuta. Son visage plein de taches de rousseur semblait toutefois morose pendant qu’il introduisait le visiteur dans la grande salle unique qui servait à la fois de pièce principale et de chambre à coucher pour ses parents. Une fenêtre sans rideaux, ouverte sur la pente menant à la rivière, laissait largement pénétrer la lumière, mais dans les coins régnait une pénombre à l’odeur boisée. Un homme solide, à la barbe brune, dont le crâne commençait à se dégarnir, était assis près d’une table à tréteaux sur laquelle il avait confortablement posé les coudes ; près de lui reposait un pichet de bière.

Il avait le visage tanné de celui qui vit en plein air, sauf à la mauvaise saison, et son attitude détendue donnait une impression de force tranquille. La femme qui venait de sortir de sa cuisine, pas plus grande qu’un placard, une louche à la main, était taillée sur le même modèle généreux, avec la même complexion brune et chaude. C’est de leur père que les garçons tenaient leur minceur, leurs cheveux noirs, et cette peau claire que le soleil marquait de taches de rousseur.

— Maman, annonça l’adolescent, voici le seigneur shérif qui demande à voir l’oncle Adam.

Il avait une voix monocorde, forte, et il s’arrêta un moment, bloquant l’encadrement de la porte avant de s’avancer pour laisser passer Hugh. Celui-ci fut contraint de se faufiler. Il remarqua la fenêtre sans volet assez grande pour qu’un homme alerte en usât, s’il avait quelque chose à se reprocher, et dévalât la pente menant au fleuve aux eaux si basses que l’on pouvait le franchir sans se mouiller les genoux. Hugh ressentit un élan de sympathie pour ce brave filleul, mais s’abstint de lui laisser deviner ne serait-ce que l’ombre d’un sourire. Aux yeux romantiques du garçon, l’arrivée d’un shérif signifiait inévitablement des ennuis pour les petites gens. Mais le parrain Adam resta assis, attentif et intéressé, le temps qu’il fallait avant de se lever et de saluer Hugh aimablement.

— Vous êtes au bout de vos peines, monsieur. Je porte le nom que vous avez prononcé.

Un des sergents de Hugh se tenait probablement à l’extérieur, sous la fenêtre, tandis que l’autre était resté près des chevaux. Mais ni l’homme ni l’enfant ne pouvaient le savoir. Manifestement Adam en avait vu d’autres et il n’était pas du genre à s’effrayer facilement, et d’ailleurs il ne voyait pour le moment aucune raison de s’affoler.

— Rassurez-vous, ajouta-t-il. S’il s’agit de soldats du roi Etienne qui se sont enfuis, inutile de chercher par ici. Il y a peut-être quelques déserteurs dans les parages, mais moi, je suis en permission.

La femme s’était lentement rapprochée, curieuse, dubitative, mais nullement inquiète. Elle avait un visage rose, rond, sain et un regard honnête.

— Mon frère est simplement venu me rendre visite, seigneur. Il n’y a pas de mal à ça, j’espère.

— Absolument pas, la rassura Hugh qui continua sans préambule, du même ton amical : J’enquête sur une dame qui a disparu il y a trois ans. Que savez-vous de Juliane Cruce ?

La question provoqua un silence effaré chez la mère et le fils et aussi chez Walter qui venait de pénétrer dans la pièce derrière Hugh, mais Adam Heriet comprit parfaitement ce dont il s’agissait. Il s’immobilisa net, à demi redressé, appuyé à la table à tréteaux et, toisant Hugh fixement, lui présenta un visage dépourvu d’expression. Ce nom lui disait quelque chose, il ne l’avait jamais oublié pendant toutes ces années ; il se rappelait à présent chaque détail du voyage et les repassait à toute vitesse dans son esprit comme les grains de rosaire dans la main d’un être en proie à la terreur. Mais lui n’était pas terrorisé, simplement il sentait un danger potentiel, celui d’un trou de mémoire par exemple, et la nécessité de réfléchir vite et peut-être aussi de choisir entre dire la vérité, une demi-vérité ou mentir. Derrière cette contenance ferme, impénétrable, il était à peu près impossible de lire les pensées.

— Oui, je la connais, bien sûr, finit-il par répondre, sortant progressivement de son immobilité. Je l’ai accompagnée avec trois autres serviteurs de la maison de son père quand elle est allée prendre le voile à Wherwell. Et, comme je sers dans la région, j’ai appris que le couvent de la cité avait entièrement brûlé. Mais comment aurait-elle pu avoir disparu depuis trois ans puisque sa famille savait parfaitement où elle vivait ? Qu’elle ait disparu aujourd’hui, ça, je veux bien le croire, puisque j’ai en vain demandé de ses nouvelles après l’incendie. Si vous avez d’autres informations sur dame Juliane, je vous prie de me les donner. Personne n’a été capable de me dire si elle était vivante ou morte.

Il paraissait dire la vérité, mais il y avait eu tout à l’heure ce silence difficilement explicable. Il s’agissait peut-être au moins d’une demi-vérité. S’il était honnête, il avait en effet essayé de savoir ce qu’elle était devenue après le massacre. S’il ne l’était pas, il était au courant et mettait la situation à profit.

— Vous êtes allé avec elle jusqu’à Werwell, dit Hugh sans rien répondre ni rien confirmer. Vous l’avez bien vue franchir les portes du couvent ?

Il y eut un bref silence poignant. S’il disait oui, il mentait comme un arracheur de dents. Si c’était non, il était peut-être sincère.

— Non, monsieur, non, admit-il d’une voix lourde. Et je le regrette amèrement, mais elle n’a pas voulu en entendre parler. Nous avons passé la dernière nuit à Andover, et puis j’ai parcouru avec elle les quelques derniers milles. Quand nous sommes arrivés environ à un mille – mais le couvent n’était pas encore en vue, il y avait des bois qui nous le cachaient – elle m’a renvoyé, sous prétexte qu’elle préférait être seule pour le trajet qui restait. Je me suis conformé à ses désirs. C’était toujours le cas depuis que je l’ai portée dans mes bras quand elle n’avait pas encore un an.

Pour la première fois, une lumière passa sur son visage sombre, tel un bref éclair traversant un banc de nuages.

— Et les trois autres ? demanda Hugh, mine de rien.

— Ils étaient restés à Andover. Quand je suis revenu, nous sommes tous repartis chez nous.

Hugh ne mentionna pas le trou qui subsistait dans l’emploi du temps. Il n’était pas mauvais de garder cela en réserve, pour s’en servir soudain quand l’homme ne serait plus entouré de sa famille et se montrerait donc plus vulnérable.

— Et vous n’avez eu aucune nouvelle de Juliane Cruce depuis ce jour ?

Non, monsieur, aucune. Mais si vous, vous en avez, pour l’amour de Dieu, dites-le-moi, qu’elles soient bonnes ou mauvaises !

— Vous lui étiez dévoué ?

— J’aurais donné ma vie pour elle, et c’est encore vrai aujourd’hui.

Il en aurait peut-être l’occasion, songea Hugh in petto, s’il s’avérait être le plus extraordinaire comédien à s’être jamais produit sur une scène quelconque. Que penser de cet homme, dont les brefs élans de passion sonnaient terriblement vrais, mais qui gardait la tête assez froide pour choisir ses mots avec une rare subtilité ? Et si, par hasard, il n’avait rien à cacher ?

— Vous avez un cheval, Adam ?

Les yeux profondément enfoncés dans les orbites sous d’épais sourcils lui adressèrent un long regard calculateur.

— Oui, monsieur.

— Alors je dois vous demander de le seller et de venir avec moi.

C’était une requête qu’il était difficile de refuser ; Adam Heriet s’en rendit très bien compte, mais elle était au moins formulée de façon à lui permettre de s’en tirer avec une parfaite dignité. Il repoussa le banc et se leva.

— Pour aller où, monsieur ?

Et s’adressant au garçon au visage marqué de taches de rousseur qui les observait dans l’ombre, l’air dubitatif :

— Va seller mon cheval, petit, rends-toi utile, murmura-t-il.

Adam le jeune s’exécuta, bien qu’à contrecœur, avec une grimace par-dessus son épaule et, au bout d’un moment, on entendit les sabots d’un cheval résonner sur le sol en terre battue de la cour.

— Vous êtes sûrement au courant des circonstances qui ont amené votre châtelaine à entrer au couvent. Vous savez qu’elle était fiancée depuis son enfance à Godfrid Marescot et qu’il a rompu ses fiançailles pour devenir moine à Hyde Mead.

— Oui, je suis au courant.

— Après l’incendie de Hyde, quand les moines ont été dispersés, Godfrid Marescot est venu à Shrewsbury. Depuis le sac de Wherwell, il s’inquiète beaucoup d’elle, et que vous puissiez ou non lui donner des nouvelles, je souhaiterais que vous m’accompagniez et que vous veniez le voir.

Il ne souffla mot du problème secondaire, à savoir le fait qu’elle n’était jamais arrivée au couvent de son choix. D’ailleurs, il n’y avait pas moyen de se rendre compte si Adam l’ignorait ou non, en observant ce visage d’homme d’expérience, si habile à dissimuler ses sentiments.

— Si vous ne lui apportez aucune lumière, expliqua aimablement Hugh, vous pourrez au moins lui parler d’elle, partager avec lui des souvenirs trop lourds pour un seul homme, étant donné les craintes qu’il nourrit.

Adam poussa un long soupir prudent.

— Bien volontiers, monsieur. Tout le monde s’accorde à dire que c’était un homme de mérite, trop âgé pour elle sans doute. C’est vraiment dommage. Elle parlait beaucoup de lui, et elle était aussi fière que s’il allait lui offrir un trône. Quelle pitié qu’une demoiselle comme elle ait choisi le couvent ! Elle aurait été parfaite pour un tel homme. Je la connaissais bien. Je vous accompagnerai de tout cœur.

Et s’adressant au couple qui se tenait tout près, hésitant et inquiet, il ajouta :

— Shrewsbury est à deux pas. Je serai revenu avant que vous ne vous soyez rendu compte de mon absence.

 

Ce retour vers Shrewsbury avait quelque chose à la fois d’étrange et de banal. Tout au long du chemin, cet homme d’armes endurci et résistant se comporta comme s’il ignorait qu’il était prisonnier et soupçonné d’un méfait dont la preuve manquait encore, alors qu’il ne pouvait ignorer que les deux sergents qui le suivaient à sa droite et à sa gauche étaient là pour l’empêcher d’essayer de prendre la fuite. Il montait bien, parfaitement à l’aise sur un beau cheval ; il devait avoir bonne réputation et jouir de la confiance de son capitaine pour avoir obtenu l’autorisation de vaquer à sa guise, avec une aussi belle monture. Concernant sa propre situation il ne posa aucune question, et ne manifesta aucune inquiétude. Mais avant que la petite troupe n’arrivât en vue de Saint-Gilles, il demanda au moins trois fois :

— Monsieur, avez-vous entendu dire quoi que ce soit la concernant, avant que le malheur ne s’abatte sur Winchester ? Si vous avez enquêté dans la région de Wherwell, avez-vous trouvé la moindre trace ? Il devait y avoir pas mal de nonnes qui s’étaient dispersées par là ?

Puis, enfin, cette brusque supplique :

— Monsieur, savez-vous, oui ou non, si elle est vivante ou morte ?

Hugh ne répondit directement à rien, puisqu’il n’y avait rien à répondre. Enfin, comme ils passaient la petite colline de Saint-Gilles, avec ses toits et son modeste petit clocher, Adam remarqua, pensif :

— Le voyage depuis Hyde, tout seul, n’a pas dû être facile pour un homme malade et plus tout jeune. Je m’étonne que le seigneur Godfrid ait pu le supporter.

— Il n’était pas seul, répondit Hugh presque sans y penser. Ils sont venus à deux de Hyde Mead.

— Tant mieux, approuva Adam avec un hochement de tête, car à ce qu’on dit, il était sérieusement blessé. Il risquait de s’effondrer sur la route, s’il n’y avait personne pour l’aider.

Et il poussa de nouveau un lent soupir prudent.

Après cela, il n’ouvrit plus la bouche, peut-être à cause de l’ombre du mur de l’abbaye à sa gauche qui coupait le soleil de l’après-midi comme le fil noir et tranchant d’un couteau, le long de la route poussiéreuse.

 

Ils franchirent la voûte du portail pour tomber sur l’agitation habituelle de l’après-midi, remue-ménage qui succédait à la demi-heure accordée aux jeunes moines pour jouer et que les plus âgés mettaient à profit pour se reposer après le dîner. A présent, ils s’affairaient tous à leurs diverses occupations, regagnaient leur bureau au scriptorium, les jardins qu’ils cultivaient, le long de la Gaye, le moulin, ou bien les viviers où les œufs allaient éclore. En voyant le grand cheval gris dégingandé de Hugh, le frère portier sortit de sa loge, jeta un coup d’œil attentif à ses officiers et observa l’inconnu qui les accompagnait avec une curiosité bien naturelle.

— Frère Humilis ? Non, ce n’est pas au scriptorium que vous le trouverez, ni au dortoir, dit-il en réponse à la question de Hugh. Après la messe de ce matin, il s’est évanoui ici, en traversant la cour, et bien qu’il ne se soit pas fait grand mal dans sa chute, le jeune l’ayant retenu en partie, il s’est passé pas mal de temps avant qu’il ne revienne à lui. On l’a transporté à l’infirmerie. Frère Cadfael veille sur lui en ce moment.

— Je suis désolé d’apprendre cela, murmura Hugh, s’arrêtant, passablement inquiet. Il vaudra mieux que je ne le dérange pas maintenant.

Cependant, si la fin redoutée et, selon Cadfael, inévitable approchait chaque jour davantage, Hugh ne pouvait guère se permettre de retarder une enquête susceptible de jeter une lueur, même minime, sur le sort de Juliane Cruce. Humilis lui-même souhaitait à tout prix connaître la vérité.

— Oh ! il a recouvré ses esprits maintenant, affirma le portier, et il est de nouveau son propre maître – après Dieu, notre maître à tous ! Il tient à regagner au plus tôt sa cellule au dortoir, et il se prétend capable de continuer à remplir encore quelque temps ses devoirs parmi nous, mais pour l’instant on le garde où il est. Il a toute sa tête et toute sa volonté. Si vous avez à lui dire quelque chose d’important, je m’en vais voir si on vous autorise à entrer.

« On », quand il s’agissait des responsables de l’infirmerie, désignait frère Edmond et frère Cadfael, et leur jugement serait sans appel.

— Attendez ici ! ordonna Hugh, prenant sa décision et sautant sur le sol.

Il se dirigea à grands pas vers l’infirmerie installée dans l’angle nord-ouest de la cour, au coin du mur d’enceinte. Les deux sergents mirent aussi pied à terre, et restèrent à surveiller de près leur prisonnier, bien qu’Adam donnât l’impression d’être parfaitement capable de répondre de tout ce qu’on pourrait lui reprocher, car il demeura tranquillement en selle pendant quelques instants, puis il descendit et confia de lui-même la bride de sa monture au palefrenier qui était venu pour s’occuper de celle de Hugh. Ils attendirent en silence tandis qu’Adam jetait un coup d’œil aux bâtiments encadrant la cour avec un intérêt non dénué de méfiance.

Hugh rencontra frère Edmond qui sortait tout juste de l’infirmerie et lui posa vivement la question cruciale.

— Il paraît que frère Humilis est là. Est-ce qu’il se sent en état d’accueillir des visiteurs ? J’ai sous bonne garde l’homme qui avait disparu ; avec un peu de chance on en tirera quelque chose, avant qu’il n’ait eu le temps de se préparer une bonne couverture, histoire de ne pas se couper.

Edmond le dévisagea un moment, clignant des yeux ; il avait du mal à sortir de ses propres soucis pour s’intéresser à ceux d’un autre.

— Il s’affaiblit chaque jour, finit-il par dire, un peu hésitant, mais il se repose en ce moment, et cette jeune fille lui cause beaucoup de soucis, parce qu’il se sent responsable de ce qui lui est arrivé. Mais il est tenace et décidé. Il me semble qu’il souhaiterait certainement vous voir. Cadfael est à l’intérieur avec lui. Sa blessure s’est rouverte dans sa chute, là où elle venait de se refermer, mais elle est saine. Oui, allez donc le retrouver.

Son visage disait ce que ses lèvres ne formulèrent pas :

« Qui sait combien de temps ce répit va durer ? La paix de l’esprit aidera peut-être à le prolonger. »

Hugh revint vers ses hommes.

— Suivez-moi, on peut entrer, dit-il, puis il donna l’ordre à ses deux sergents d’attendre dehors.

Il entendit la voix familière de Cadfael dès qu’il pénétra dans l’infirmerie avec Adam qui l’accompagnait docilement. Frère Humilis n’avait pas été installé dans la salle commune, mais dans une petite cellule à part, tranquille, dont la porte était ouverte. Un tabouret, un lit et un petit bureau où poser un livre ou une bougie composaient l’unique mobilier. Par la porte, et par une petite fenêtre sans volet pénétraient l’air et la lumière. Frère Fidelis, à genoux près du lit, tenait le malade dans ses bras cependant que Cadfael finissait de panser la hanche et l’aine où le mince tissu cicatriciel s’était légèrement rouvert lors de la chute. Ils avaient entièrement dévêtu le blessé et rejeté la couverture, mais le corps massif de Cadfael empêchait de voir le lit depuis la porte et dès qu’il entendit des bruits de pas, Fidelis remonta le drap jusqu’à la taille du malade si amaigri que le jeune homme pouvait le soutenir sans peine. Mais les traits émaciés étaient toujours aussi fermes, et les yeux creux aussi brillants. Il se laissait patiemment soigner, avec un petit sourire en coin, comme s’il se soumettait à une discipline salutaire, tandis que Fidelis s’empressait de cacher jalousement ce pauvre corps aux yeux des profanes. Après avoir remonté le drap, le jeune moine se détourna pour saisir la chemise propre qui était prête à l’usage, la déploya au-dessus de la tête d’Humilis et l’aida très adroitement à passer ses bras frêles dans les manches avant de la lisser pour en disposer avec soin les plis. Ce fut seulement après qu’il leva la tête vers la porte.

Hugh était une vieille connaissance, il était accepté, voire bienvenu. Ensemble Humilis et Fidelis regardèrent derrière lui pour découvrir qui le suivait.

Pour sa part, l’étranger qui dominait Hugh d’une tête lança un bref coup d’œil aux deux moines, histoire de voir à qui il aurait éventuellement affaire. Pour lui, c’était évident, frère Cadfael faisait partie des meubles et ne représentait aucune menace, le malade alité, il le connaissait de réputation, mais l’autre moine, absolument immobile près du lit, dont les grands yeux brillaient à l’ombre de son capuchon, l’intriguait davantage. Adam Heriet examina longuement Fidelis avant de baisser les paupières et son visage se ferma comme un livre.

— Frère Edmond nous a autorisés à entrer, dit Hugh, mais si nous vous fatiguons, mettez-nous dehors. Je suis désolé d’apprendre que vous n’êtes pas en bonne santé.

— Si vous avez de bonnes nouvelles, ce sera le meilleur des remèdes, répondit Humilis. Frère Cadfael ne se froissera pas si un autre médecin donne son avis. Et puis je ne vais pas si mal ; c’était un simple moment de faiblesse due à cette chaleur de plus en plus accablante.

Sa voix était légèrement moins ferme que d’habitude et son débit un peu plus lent, mais son souffle était normal et ses yeux clairs et calmes.

— Qui est-ce qui vous accompagne ?

— Nicolas vous aura sûrement dit avant de partir que nous avions déjà interrogé trois des membres de l’escorte de dame Juliane quand elle est partie pour Wherwell. Voici le quatrième, Adam Heriet, qui a parcouru tout le chemin avec elle tandis que ses camarades attendaient son retour à Andover.

Humilis, si maigre, se raidit et se redressa pour observer le nouveau venu. Frère Fidelis s’agenouilla et entoura de son bras le malade ainsi que l’oreiller auquel il s’appuyait, penchant la tête dans l’ombre.

— Vraiment ? Alors nous connaissons tout le monde maintenant, murmura Humilis, étudiant avec insistance le visage camus, résolu, présentant son front brun, comme un taureau prêt à charger. Vous devez être celui qui, disait-on, l’aimait depuis toujours.

— Oui, c’est bien moi, affirma Adam Heriet.

— Racontez-lui quand et comment vous vous êtes séparé de votre châtelaine, suggéra Hugh. Allez-y, c’est votre histoire.

Heriet inspira brusquement, profondément, sans montrer aucune tension ni aucune crainte et répéta ce qu’il avait déjà dit à Hugh.

— Elle m’a ordonné de partir et de la laisser. J’ai obéi. J’étais à son service et elle pouvait me demander tout ce qu’elle voulait. J’ai exécuté ses ordres, c’est tout.

— Et vous avez regagné Andover ? demanda Hugh, bonhomme.

— Oui monsieur.

— Sans vous presser, constata Hugh avec la même douceur trompeuse. D’Andover à Wherwell, il n’y a que quelques milles ; vous prétendez qu’elle vous a renvoyé à un mille du couvent. Cependant vous êtes revenu à Andover à la tombée de la nuit, plusieurs heures après. Qu’avez-vous fabriqué pendant tout ce temps ?

Pas d’erreur, ce fut un choc pour Adam qui s’arrêta glacé, retenant son souffle un court instant. Son regard voilé s’éclaira une seconde et il lança un coup d’œil mauvais à Hugh avant de baisser de nouveau les paupières. Cela lui coûta un effort bref mais perceptible pour redevenir maître de sa voix et de ses pensées ; il y parvint, non sans un certain héroïsme discret, et cet instant de silence ne se prolongea pas assez pour qu’il pût inventer un mensonge vraisemblable.

— Je n’avais jamais été si loin dans le Sud, monsieur, et j’ai pensé que l’occasion ne se représenterait pas. Quand elle m’a renvoyé, la cité de Winchester était à deux pas. J’en avais entendu parler, mais je n’avais jamais pensé la voir. Je n’avais pas le droit, je sais, de prendre ainsi mon temps, et pourtant... Je suis allé en ville et j’y ai passé la journée. On était en paix alors, on pouvait se promener, voir la grande église, manger dans une taverne sans craindre pour sa vie. J’en ai profité et ne suis revenu à Andover qu’à la fin de la soirée. Si c’est ce qu’on vous a dit, eh bien c’est la vérité. Nous ne sommes repartis chez nous que le lendemain à l’aube.

Humilis, qui connaissait Winchester comme sa poche, reprit l’interrogatoire calmement, sans passion. Sa voix et ses yeux avaient retrouvé leur énergie et leur entrain.

— On ne saurait vous reprocher d’avoir pris quelques heures après avoir mené votre mission à bien. Dites-moi, qu’avez-vous vu à Winchester ?

Après s’être tenu sur ses gardes, Adam retrouva une respiration normale. Il se lança dans une description détaillée et complète de la ville de l’évêque Henri, depuis la porte nord où il était entré jusqu’aux prairies de Sainte-Croix, en passant par la cathédrale, le château de Wolvesey pour finir par les champs de Hyde Mead, au nord-ouest. Il décrivit par le menu les façades de la Grand-Rue escarpée, l’autel doré de saint Swithun et la croix splendide offerte par l’évêque Henri à la cathédrale de son prédécesseur le prélat Walkelin. Il était hors de doute qu’il avait effectivement admiré tout cela, comme d’un simple regard Humilis le confirma à Hugh lequel, pas plus que Cadfael qui se tenait un peu à l’écart, n’avait mis les pieds à Winchester.

— Vous n’en savez donc pas plus sur le sort de Juliane Cruce ? insista Hugh.

— Je n’ai plus eu aucune nouvelle depuis que nous nous sommes séparés ce jour-là, affirma Adam avec toutes les apparences de la sincérité. A moins que vous ne puissiez m’apprendre quelque chose maintenant comme je vous en ai prié à maintes reprises, vous le savez.

Mais il ne demandait plus rien à présent et ses propos avaient perdu leur intensité.

— Eh bien, il y a quelque chose que je vais vous dire, lui annonça Hugh d’une voix dure. Juliane Cruce n’est jamais arrivée à Wherwell. La prieure n’a jamais entendu parler d’elle. Elle a disparu ce fameux jour et vous êtes le dernier à l’avoir vue. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

Adam resta muet, à le fixer pendant une bonne minute.

— Vous ne me racontez pas d’histoires ? balbutia-t-il lentement.

— Je vous le garantis, bien qu’à mon avis, ce ne soit pas très utile parce que je ne vous apprends rien. Réfléchissez : il n’y a plus que vous, vous seul pouvez, non, devez savoir où elle est allée, car enfin elle n’est jamais parvenue à Wherwell. A vous de nous révéler où elle est allée, ce qui lui est arrivé et si elle est encore en vie ou six pieds sous terre.

— Je jure devant Dieu que quand j’ai quitté ma dame, à sa requête, articula solennellement Adam, elle était en bonne santé, et je prie pour qu’elle le soit toujours, où qu’elle puisse être.

— Vous étiez au courant, n’est-ce pas, des objets de valeur qu’elle emportait avec elle ? N’y en avait-il pas assez pour vous tenter ? A présent je vous interroge officiellement : Avez-vous dévalisé votre dame, ou porté la main sur elle pendant qu’elle était seule avec vous et qu’il n’y avait aucun témoin ?

Fidelis aida doucement Humilis à s’appuyer contre son oreiller, et se redressa de toute sa taille à côté de lui. Ce mouvement attira et retint un moment l’attention d’Adam.

— Non, dit-il enfin à haute et intelligible voix, bien au contraire, je serais mort pour elle à l’époque et je mourrais encore volontiers pour elle, plutôt que de lui infliger la moindre peine.

— Très bien ! lança Hugh. J’ai votre parole mais il faut que je vous garde, le temps de réunir d’autres informations. Et j’y arriverai, Adam, avant d’abandonner l’affaire.

Il se dirigea vers la porte derrière laquelle ses sergents attendaient ses ordres et leur ordonna d’entrer.

— Emmenez cet homme au château et mettez-le sous bonne garde !

Adam sortit entre les deux hommes sans un mot de surprise ou de protestation. Il ne s’était attendu à rien d’autre. Les événements avaient pris une telle tournure que cette issue devenait inévitable. Apparemment, il ne manifestait guère d’inquiétude ni de souci, mais c’était un homme solide, expérimenté qui ne s’extériorisait pas facilement. Il ne jeta qu’un regard en arrière, depuis la porte, qui se posa sur eux tous, sans que Hugh pût rien y déceler, et Cadfael pas grand-chose. C’était une simple étincelle, trop brève pour signifier quoi que ce fût dans l’immédiat.

Un insondable mystère
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